« Le libéralisme, ce serait aussi désastreux que le communisme ». Qui a dit cela ? Abrégeons le suspens : il s’agit de Jacques Chirac, au Figaro en mars dernier (1) et repris deux jours plus tard par Yvan Rioufol (2), éditorialiste dans le même organe de presse. Celui-ci, rebondissant sur cette déclaration paradoxale pour l’ancien patron du RPR et héraut de la droite française constate la schizophrénie de son pays, « nation marchande, qui a besoin du libéralisme pour vivre. Mais [dont] les politiques rejettent cette évidence. »
Sous le titre « libéralisme, mot honteux », Rioufol se demande combien de temps l’exception française pourra survivre. « [La France] n'arrive plus à créer ni richesse (les salaires du privé ont baissé de 0,3% en 2003), ni emplois (10% de chômeurs, 9% de RMistes en plus en 2004). C'est une autre politique qui est à inventer. La responsabilité en revient à la droite libérale. Elle ne peut plus cautionner sérieusement ce système absurde, pour qui « capitalisme » reste un gros mot et « réforme de l'État » un blasphème. Doit-on laisser l'Europe prendre en charge nos réformes vitales ? »
Ce constat convient parfaitement à la Belgique francophone. Sauf que la situation y est encore pire. Le « libéralisme », idéologie de progrès et d’émancipation, est, chez nous, le nouvel épouvantail de la "bien pensance", qui n'en est pas à une approximation près. Ainsi, George Bush Junior, conservateur peu soucieux des libertés publiques, y est parfois décrit, dans la confusion la plus totale, comme « ultra-libéral », une acception qui sert trop souvent d’alibi pour exclure les libéraux « normaux » de l’enceinte de « ceux qui pensent juste ». Ne restent aux libéraux, pour se dédouaner, qu’une seule option : affirmer haut et fort leur « libéralisme social », pléonasme douteux pour tous ceux qui lisent les grands penseurs libéraux.
Car, devant le poids pléthorique du secteur public et subventionné, devant un chômage quasi-structurel à des hauteurs inégalées en Europe – à tel point que des économistes reconnus pour leur indépendance ont pu parler de « honte » - , n’est-ce pas précisément les obstacles à mettre en place des recettes libérales qui ont fait leur preuve à l’étranger qui plombent la Wallonie "sociale" ?
(1) Le Figaro du 16 mars 2005, page 6. Le Président français a lâché cette phrase, recevant, la veille, dix députés UMP en assurant "n'être pas anti-libéral". Il est allé plus loin en voulant tordre le cou à l'idée que le "oui" à la Constitution européenne puisse favoriser (!) l'émergence d'une Europe libérale. Enfin, il s'est positionné pour une Europe sociale consacrant la "diversité culturelle" comme si le libéralisme s'opposait à ces deux notions!
(2) Le Figaro du 18 mars 2005
Autant je suis d'accord sur la majorité de cet article et sur le pléonasme de "libéralisme social", autant on peut se poser la question de savoir si le libéralisme est pour autant de droite comme écrit supra. A mon sens, il est unique car il transcende ces deux pôles.
Rédigé par : Promethee | 13 février 2006 à 11:10
(précision...)
..ces deux pôles que sont la gauche et la droite.
Rédigé par : Promethee | 13 février 2006 à 11:11
Faudrait en tout cas que les choses soient plus claires : le MR devrait être libéral, le PS est social-démocrate ou socialiste. L'UMP devrait être libérale et le PS français social-démocrate. Or, Verhofstadt est un libéral honteux et Blair un liberal sans accent mais représente la gauche. C'est la confusion la plus totale. Ajoutons que la pensée unique dépend d'où on se trouve. Notre Premier serait trop social aux USA.
Rédigé par : Cedlex | 13 février 2006 à 12:49
D'accord avec Prométhée. Le concept "gauche/droite" est bon pour la poubelle. N'est-ce pas un peu simpliste de réduire les clivages à un seul axe (donc à un seul critère!)?
Pour revenir à l'anti-libéralisme français, il vaut la peine de lire cet article de Pascal Salin (publié également par le Figaro) : http://www.quebecoislibre.org/05/050815-2.htm
Rédigé par : Molinari | 13 février 2006 à 12:58
"la pensée unique" c'est quoi déjà ? non, parce que là aussi, il y a confusion, et pas seulement en fonction des lieux...les gauchistes faussement subversifs la dénonce (genre monde diplo, marianne et co) puis les libéraux aussi, ceux qui veulent se dire de droite comme ceux qui voient dans le libéralisme un moyen de transcender les deux pôles....quel foutoire.
Rédigé par : tintin | 13 février 2006 à 13:02
L'électeur préfère voter pour un parti qui sait ce qu'il veut et n'a pas honte de ses idées. On n'entendra jamais le PS parler de "socialisme libéral"...
Rédigé par : Deckard | 13 février 2006 à 13:11
« Le « libéralisme », idéologie de progrès et d’émancipation » est avant toute chose un vœu pieu et s’il est aussi caricaturé comme épouvantail, c’est qu’au-delà des exagérations propres à la caricature, ses dangers et ses dérives sont inacceptables. D’abord, il se marie tout aussi bien à la privation de libertés que n’importe quel dogme (voir Singapour, Mc Carthysme, Pinochet…), ensuite, lorsqu’il crashe (Etats-Unis, années 30), il entraîne des catastrophes sociales épouvantables. N’oublions pas que sa survie même exige l’existence de gouffres sociaux entre (très) riches et (très) pauvres. Donc, avant de « traiter » les sceptiques de « bien-pensants », il faudrait peut-être rappeler aux libéraux que leur idéalisme volontaire et quasi-révolutionnaire est proche de l’élan religieux. Ce qui n’a JAMAIS été facteur de grande émancipation, sauf pour les convertis et tous leurs petits amis partageant une même vision du monde.
Rédigé par : Raymond Coemans | 13 février 2006 à 13:36
Il est clair que le mot "linéral" est probablement le mot le plus incompris des temps modernes. Assimilé à tort et à travers avec tout ce qui ne va pas, le libéralisme à bon dos. Disons que les milliers d'allocataires et de donctionnaires excédentaires n'ont aucun intérêt personnel à une réforme de l'état vers plus de simplification et de liberté personnelle. En fait, les socialistes sont les Pinochet de la nouvelle Europe, ils maintiennent par le glaive de l'économie et de la subsistance quotidienne, ainsi que par l'appauvriseemnt culturel (voir politique scolaire Arena) une foule de brebis votantes et dociles. Désolé pour le coup de gueule..
Rédigé par : Alexandre Gilis | 13 février 2006 à 13:57
Raymond, la différence avec un libéral et un socialiste et que le libéral ne se lancera pas dans un prosélytisme guerrier. Par contre, le socialiste, en cas de déviation de sa vision liberticide de la société, fera appel à son bras armé (le syndicat) pour répandre destruction et misère afin de bien faire comprendre aux gens qui est le patron.
Rédigé par : Bob's | 13 février 2006 à 13:59
Moi, on m’a appris qu’un syndicat, même si très avare de cotisations et souvent tenté par la corruption, était idéalement là pour rappeler au patron qu’il existait des lois l’empêchant de se prendre pour Ramsès II. On n’a pas du choisir le même genre de lavage de cerveau.
Rédigé par : Raymond Coemans | 13 février 2006 à 14:08
Raymond, tu dois reconnaître que s'afficher "libéral" en Wallonie, c'est comme voler sur un balais de sorcière. Cf. Di Rupo sur RTL-TVI désignant Destexhe comme "le sénateur libéral, là" comme s'il puait. Gérard Deprez, MCC-MR, a d'ailleurs demandé au MR de militer plutôt sous la bannière de "réformateur" car le libéralisme n'est pas populaire. Un repoussoir a même été créé : "ultra-libéral" ou "néo-libéral" pour mieux délégitimer celui qui se réclame du libéralisme.
Rédigé par : Cedlex | 13 février 2006 à 14:20
Je ne nie pas du tout cela, Cedlex. Pas plus que je ne vote socialiste. Je suis juste l’un de ces sceptiques pensant que toute « Bête Politique » se doit d’être domptée : en gros, qu’il existe des garde-fous aux grandes envolées dogmatiques.
Rédigé par : Raymond Coemans | 13 février 2006 à 14:28
Je constate que Raymond Coemans est toujours aussi ignare et confond sans complexe libéralisme et capitalisme. Si ce dernier s'accomode en effet d'attaques contre les libertés individuelles (dont la pire est sans conteste la collution entreprises-Etat qui a cours en France et aux USA), le libéralisme, philosophie de la liberté, ne peut s'accomoder d'atteintes aux libertés individuelles.
C'est précisément l'absence de réaction à ces accusations vilificatrices et mensongères qui font que le terme "libéralisme" devient une espèce de fourre-tout fort commode.
Rédigé par : Constantin | 13 février 2006 à 14:33
Je tiens quand même à faire observer que Raymond Coemans a raison sur un point : l'existence de syndicats n'est pas incompatible avec le libéralisme. Et il est effectivement sain que les syndicats, quand c'est nécessaire, fassent leur travail, qui est de défendre les intérêts de leurs membres.
Par contre, et je pense que c'est ce que Bob dénonçait, la collusion syndicat-gouvernement est liberticide au même titre que l'est la collusion entreprises-gouvernement. L'Etat n'a pas à servir d'instrument aux mains de groupes de pression, quelles que soient les intentions de ceux-ci. Son rôle, dans le libéralisme "classique", est simplement de servir de garant des libertés individuelles.
Rédigé par : Constantin | 13 février 2006 à 14:37
@ Raymond Coemans : Le krach de 29 est une conséquence de la manipulation du crédit opérée par la Federal Reserve. Cette dernière a été nationalisée en 1913, ce qui a mis fin au système de banque libre. Les crises économiques de ce type sont donc, encore une fois, dues à l'interventionnisme étatique dans le marché (ici celui de la monnaie).
Serait-ce trop vous demander de nous dire en quoi Singapour, le Mc carthysme et Pinochet sont illustrateurs d'un libéralisme attentatoire aux libertés? Surtout, pensez à nous expliquer pourquoi "sa survie (du libéralisme)même exige l’existence de gouffres sociaux entre (très) riches et (très) pauvres." Merci.
Rédigé par : Molinari | 13 février 2006 à 14:39
« qu’un syndicat était idéalement là pour rappeler au patron qu’il existait des lois ». Bien sûr. mais ce qui me heurte ce sont les méthodes : prise en otage des cadres, grèves continuelles (où est la concertation ?) et le fait de ne pas dépasser ce stade partiel en s’inscrivant dans une vue plus globale qu’est la survie d’une région qui doit être compétitive.
Rédigé par : JM | 13 février 2006 à 14:39
Serait-ce trop vous demander de nous dire en quoi Singapour, le Mc carthysme et Pinochet sont illustrateurs d'un libéralisme attentatoire aux libertés?
Le grand jeu du plus concon : les mots magiques sont : « opposants », « critiques », « système », « prison ». Sauras-tu aider ton ami Raymond à reconstituer une phrase complète, cher Molinari ?
« La survie du libéralisme exige l’existence de gouffres sociaux entre (très) riches et (très) pauvres. »
Hong-Kong, blablabla, Londres, blablabla, l’Irlande, blablabla, les Etats-Unis, blablabla... Ne soyez pas une insulte à mon intelligence, comme disait l’autre : il y a des évidences qui niées dénoncent toute l’étendue de l’aspect dogmatique de vos positions. Et les statistiques agitées en retour comme d’autres agitaient leurs bibles ou leurs petits livres rouges ne feront que conforter cette vision.
Rédigé par : Raymond Coemans | 13 février 2006 à 14:53
Sénateur Destexhe,
Traiter Bush d' "ultra-conservateur liberticide" comme vous le faites me paraît, à tout le moins, malheureux.
D'abord vous êtes sénateur et vous n'avez pas à insulter un chef d'Etat étranger, encore moins d'un pays ami.
Ensuite, sur le fond, que Bush soit loin d'être un modèle de libéralisme, c'est entendu. Les dépenses de l'Etat américain ont considérablement augmenté sous sa présidence. Mais il vient de corriger partiellement le tir et, au surplus, il a également procédé à des tax-cuts d'envergure, créant les conditions du remboursement futur de la dette.
Reagan n'avait pas fait autre chose.
Si vous êtes l'auteur de ce billet, vous me décevez. Si, comme je le pense, vous partagez votre plume avec de plus extrémistes que vous, vous devriez relire leur prose avant publication.
Bien à vous,
Jean-Louis Dumont
P.S. Tant qu'à insulter Bush, tachez au moins d'écrire correctement son nom : il n'y a pas de 's' à George.
Rédigé par : Jean-Louis | 13 février 2006 à 15:20
"Ultra-conservateur" ne me parait pas un terme inadéquat pour désigner George W Bush, qui revendique lui-même l'étiquette conservatrice. On peut par ailleurs difficilement le considérer comme un libéral, dès lors qu'il est responsable d'une explosion des dépenses publiques qui n'est pas, contrairement à ce qu'on pourrait penser, due aux crédits militaires.
"Liberticide", eu égard aux multiples atteintes aux libertés publiques qu'il a orchestrées, c'est méchant, mais pas faux.
Ceci étant, je pense comme vous que ce terme est un peu malheureux eu égard à sa qualité de chef d'un état ami.
Rédigé par : HP | 13 février 2006 à 15:43
"il y a des évidences qui niées dénoncent toute l’étendue de l’aspect dogmatique de vos positions. Et les statistiques agitées en retour comme d’autres agitaient leurs bibles ou leurs petits livres rouges ne feront que conforter cette vision."
R.Coemans a entièrement raison
Les opinions défendues sur ce blog manquent trop souvent d'objectivité et de nuances. Ce n'est pas une manière de convaincre les indécis des bienfaits. du libéralisme.
Il faut aussi cesser de croire que ceux qui ne vous suivent pas à la lettre sont des imbéciles ou des socialistes bornés
Rédigé par : Cosette | 13 février 2006 à 15:45
Grâce à la magie de la technologie HTML, nous avons opté, à propos de Bush, pour "peu soucieux des libertés publiques".
Rédigé par : admin | 13 février 2006 à 16:03
@ Raymond,
Moi qui ne suis pas idéologue mais pragmatique, je crois qu'on peut sans crainte asséner que la Belgique francophone ne souffre pas de trop de libéralisme. Dès lors, même si le libéralisme vous indispose, vous conviendrez qu'une petite dose de cette idéologie pourrait donner à notre économie un bol d'air. 24% de chômeurs (avec les inoccupés) en Wallonie, sans comparaison aucune, ça donne le vertige, ne trouvez-vous pas? Avez-vous récemment postuler ou chercher un emploi? Le marché du travail est plus morne que jamais. Il faut près de 9 mois pour qu'une entreprise donne une réponse.
De toute manière, PS, cdH et Ecolo atteignent ensemble environ 60% de l'électorat. Il y a de la marge avant "l'enfer libéral". D'autant que le MR n'est pas vraiment composé d'ayatollahs libéraux.
Rédigé par : Alexis de Tocqueville | 13 février 2006 à 16:19
Que Bush soit "peu soucieux des libertés publiques" me semble un procès d'intention.
Bush est soucieux de la première de toute les libertés, la conditions de toutes les autres : la vie.
Constatons qu'il n'est pas totalement déplacé pour un président américain, après le 11/2, de prendre certaines mesures de lutte contre le terrorisme.
En fait, Bush est confronté à une question de balance des intérêts que tous les Etats occidentaux sans exception devront effectuer : entre le droit à la vie et à la sûreté, d'une part, et le droit à la vie privée.
N.L.
PS Je partage l'avis d'un précédent intervenant sur le fait que vous devriez choisir les co-auteurs de votre blog avec plus de discernement.
Rédigé par : Nicolas | 13 février 2006 à 16:23
« Dès lors, même si le libéralisme vous indispose, vous conviendrez qu'une petite dose de cette idéologie pourrait donner à notre économie un bol d'air. »
Tout à fait. Une petite dose de libéralisme fera le plus grand bien à l’économie, une petite dose de socialisme non-maffieux empêchera que ce bol d’air ne se transforme en grands vents porteurs de virus et une petite dose d’écologie sera elle aussi bienvenue pour empêcher le saccage de la planète. S’unir pour tenter d’enfin résoudre les problèmes graves plutôt que d’essayer de mordre la plus grande part du gâteau. C’est pas gagné quand on lit les commentaires des Joe Mc Carthy d’entre Sambre et Meuse qui pullulent sur ce blog.
Rédigé par : Raymond Coemans | 13 février 2006 à 16:32
Le socialisme non maffieux n'existe pas. Tout pouvoir basé sur un monopole assuré par la coercition induit TOUJOURS un caractère maffieux et inefficace.
Vous voulez empêcher le saccage de la planète ? Demandez la suppression de l'état. C'est précisément dans les pays les plus étatisés que l'environnement a toujours été saccagé : le record mondial des pluies acides en Roumanie sous Ceausescu, Tchernobyl en Ukraine communiste, la mer d'Aral asséchée en URSS, les forêts amazoniennes tronçonnées sur ordre du gouvernement brésilien, etc.
Rédigé par : Gadrel | 13 février 2006 à 17:39