La pétition des historiens qui mettait en garde contre les excès d’une « obligation de mémoire » a suscité des réponses.
Dans La Libre, le professeur Philippe Raxhon constate que le texte de la pétition « mêle confusément plusieurs questions ». Selon lui, « sous un vernis de nuances rendues suspectes car accompagnées de cinglants raccourcis, on assiste à la dénonciation pêle-mêle du devoir de mémoire, des commissions parlementaires, des commémorations, faisant table rase d’une série d’efforts louables menés par différents acteurs notamment sur le terrain éducatif (…) ». Refusant l’incompatibilité entre histoire et mémoire, Philippe Raxhon questionne le rôle de l’historien dans la cité : « Dans quel monde éthéré vit l’historien qui au nom d’une sorte de voyance lucide, ne commémore rien, ne participe à aucune célébration, se moque d’une diffusion de l’histoire sur la place publique ? »
Le baron Paul Halter et Yannis Thanassekos de la Fondation Auschwitz reconnaissent dans Le Soir qu’il est difficile de ne pas souscrire à « l’indispensable autonomie de la recherche » et de ne pas « s’opposer à toute histoire officielle ». Toutefois, leur critique aux signataires est double. D’abord, ils dénoncent une sorte de « réflexe corporatiste » qui amène les historiens à réduire la mémoire à la seule « émotion » et à la dévaluer en tant que « matériel historique », c'est-à-dire « une source susceptible, si elle est correctement traitée, de nous documenter sur le passé. » Ainsi, les auteurs souhaitent dépasser l’antinomie entre mémoire et histoire. La deuxième critique des auteurs porte sur l’histoire publique et sa production. Ils s’interrogent : « Ne peut-on pas envisager la possibilité d’une histoire publique, raisonnable et raisonnée qui éviterait aussi bien la tentation de « l’éloge et du blâme » que la dérive positiviste d’une science sans conscience ? »
Le professeur Gotovitch, chef de file des signataires de la pétition, n’est pas resté muet face aux critiques adressées aux textes des historiens. Il apparaît en tout cas clairement qu’il n’existe pas de front uni des historiens sur cette question et que les institutions qui oeuvrent pour la mémoire, telle que la fondation Auschwitz, n’ont pas l’intention de laisser le débat à une querelle académique. Le manifeste a en tous cas le mérite d’ouvrir le débat public sur les usages de l’histoire et de la mémoire.
Pourquoi diable notre société a tellement besoin de commémorer. A-t-on si peur d’oublier ? oublier quoi ? que la démocratie libérale est le meilleure des systèmes possibles dans le meilleur des mondes …quiconque en doute doit refaire défiler les horreurs des génocides devant ses yeux…démocratie bien, fascisme pas bien, démocratie bien, fascisme pas bien…cela ressemble à une religion morbide.
Rédigé par : etienne | 09 février 2006 à 15:44
Il est important de veiller au devoir de mémoire afin que les crimes du passé ne se répètent pas.
Pour le grand public, les commémorations constituent un rappel de ce que nous devons éviter.
Le rôle des historiens? essayer de nous éclairer de la façon la plus juste possible sur ce qui s'est passé, pourquoi...
Le rôle des politiques? veiller à perpétuer le devoir de mémoire.
Rédigé par : Jean-Paul | 09 février 2006 à 15:46
"Le rôle des politiques? veiller à perpétuer le devoir de mémoire."
Alors que c'est l'action d'autres politiciens qui est la base même des événements monstrueux qu'on commémore ?
C'est peut-être ça, finalement, le pacte entre les générations : les crimes des politiciens morts assurent l'utilité des politiciens vivants...
Rédigé par : Gadrel | 09 février 2006 à 15:51
L'histoire a été réinterprétée à toutes les périodes. Les Flamands ont appris l'oppression francophone, les Français les "bienfaits" de la colonisation, Israël, les Palestiniens refont l'histoire. Les lettons apprennent qu'ils n'ont jamais été russes, ce qui est faux, etc. Comment faire confiance aux histoires officielles?
Pour le reste, avec ou sans commémoration, le devoir de mémoire est impératif même s'il n'a jamais empêché que l'histoire se répète.
Rédigé par : Cedlex | 09 février 2006 à 16:04
..."pacte entre les générations",
entretemps, je ne pense pas que que la shoa se soit répétée,je ne pense pas non plus que les arméniens ait subi deux génocides, je ne pense pas non plus même si la région demeure instable, que le rwanda vive un second génocide ... je pense donc que le devoir de mémoire une fois officialisé par les politiques sert quand même à quelque chose
Rédigé par : Jean-Paul | 09 février 2006 à 16:14
Ah bon ? Alors que ce "devoir" est officialisé depuis 1945, les génocides n'ont cessé de se succéder (comme vous le faites remarquer).
J'ai bien l'impression que si devoir de mémoire il y a, il consisterait plutôt à se souvenir du fait que ce sont les politiciens qui ont organisé les génocides.
Rédigé par : Gadrel | 09 février 2006 à 16:28
Je trouve pour ma part que l'expression "devoir de mémoire" a déjà un je ne sais quoi de sinistre.
Le "devoir de mémoire" est en réalité hautement politique: on nous ressert les (indéniables, merci de ne pas me faire de procès d'intention) crimes du nazisme à chaque occasion, mais ceux des régimes communistes sont quasi tabou.
Je préférerais de loin que le monde politique ne se mêle pas de ce genre de débat où il est rarement pertinent et toujours inspiré par des arrières-pensées partisanes. Un exemple récent: le MR ne s'est jamais intéressé autant au génocide arménien que depuis que cela lui donne l'occasion de mettre le PS en difficulté à Bruxelles... On se rappellera dans le même genre que certain ministre qui appela au boycott d'un pays ami sous prétexte qu'un parti qui n'avait jamais eu l'occasion de faire quoi que ce soit avait gagné aux élection, n'hésita pas à aller faire des mamours à Fidel Castro, qui lui a bel et bien du sang sur les mains. Il était où, "le devoir de mémoire" ?
Rédigé par : HP | 09 février 2006 à 16:37
...les génocides se sont peut- être succédés mais pas répétés...
Rédigé par : Jean-Paul | 09 février 2006 à 16:41
Euh... que voulez-vous dire ?
Rédigé par : HP | 09 février 2006 à 17:32
Si les génocides se sont succédés masi non répétés, c'est la preuve que le devoir de mémoire qui veut être une prévention globale contre la passivité des gens est un échec. En fait quand on dit "plus jamais çà", ça veut dire plus jamais de génocide juif, plus jamais de génocide rwandais...et je pense que là, le devoir de mémoire est utile car en effet dès que, par exemple, un pays promulgue des lois antisémites, il y a un tolé général et une pression politique et de l'opinion publique forte. Mais tant qu'un peuple n'a pas été érigé spécifiquement en victime, il reste vulnérable et le devoir de mémoire est inéfficace. Se souvenir du génocide juif n'a pas empêché la communauté internationale de rester inactive face au génocide rwandais.
Rédigé par : cyrille delcourt | 10 février 2006 à 11:56