Pour marquer son passage en politique, le président N-VA de la Chambre Siegfried Bracke a eu ce qui pourrait sembler de prime abord une bonne idée: aligner l'âge et la durée de cotisation des pensions des parlementaires sur celles des autres citoyens. La population applaudit - évidemment - des deux mains. Et pourtant, je prédis que si cette réforme aboutissait, ne siégeraient plus désormais au Parlement que des fonctionnaires et des enseignants nommés. Sans doute pas ce que souhaite la N-VA. Personnellement, je ne suis pas concerné par la réforme proposée, j'en parle d'autant plus à l'aise.
Durée de vie d'un parlementaire: 8 ans
La durée moyenne de mandat d'un parlementaire est de huit ans. À chaque élection, le renouvellement du Parlement est déjà très important, surtout en Flandre. Outre l'implication conséquente qu'induit le travail parlementaire, les élus doivent aller à la rencontre de leurs électeurs lors de nombreux événements qui se tiennent en soirée ou le week-end.
Aujourd'hui, le seul avantage dont ils disposent est l'accès à un régime de pension favorable. Celui-ci
a d'ores et déjà été réformé sous la législature précédente. L'âge de la retraite des parlementaires est passé de 55 à 62 ans et la durée des cotisations de 20 à 32.
Si demain, les pensions des élus venaient effectivement à s'aligner sur celles des citoyens, il importe de prendre conscience des effets à long terme d'un tel changement. Tous les Belges aspirent à un minimum de stabilité et à une pension décente. Très peu de salariés, d'ouvriers, d'employés, de cadres, d'indépendants et d'entrepreneurs prendront désormais le risque de se lancer en politique.
Ce sera beaucoup trop risqué de rebondir ensuite. Ceux qui resteront seront encore plus dépendants qu'aujourd'hui de leur parti pour être réélus et tous les moyens seront bons pour s'accrocher à leur siège jusqu'à 67 ans, réduisant encore la chance pour des plus jeunes de siéger dans l'une des assemblées.
Les Parlements seront encore plus qu'aujourd'hui constitués de "professionnels de la politique" issus des partis ou des cabinets ministériels, qui n'auront aucune autre expérience professionnelle dans leur vie que la politique. Aux côtés de ceux-ci ne siégeront plus que des fonctionnaires et enseignants nommés qui eux seuls pourront oser le pari de l'élection en prenant un "congé politique" et retournant à leur fonction initiale en cas de non-renouvellement de leur mandat.
En conséquence, toutes les discussions politiques seront influencées et dominées par des élus qui bénéficient d'une stabilité de l'emploi, d'une mentalité de fonctionnaire et qui ne disposeront que d'une expérience réduite ou nulle dans les domaines où ils devront pourtant légiférer. Est-ce réellement cela que la N-VA veut? L'intérêt général sera-t-il bien servi par une représentation nationale aussi biaisée?
Ne pas faire à autrui ce que l'on n'aimerait pas subir soi-même
Le pays et la Région flamande risquent de payer très cher les économies "de bout de chandelle" que Siegfried Bracke préconise, lui qui bénéficie déjà d'une confortable pension publique de la VRT et qui ne connaît pas les affres de l'insécurité de la réélection.
Il aurait été plus crédible s'il avait vingt ans de moins et avait fait toute sa carrière dans le secteur privé. Seul un planqué qui a déjà assuré sa retraite peut proposer une réforme aussi démagogique.
Partout ailleurs en Europe, les parlementaires bénéficient de régimes de pension spéciaux plus favorables que la moyenne alors que les Belges sont déjà soumis à un plafond qui limite le montant de toutes les pensions d'origine publique. Nos voisins français peuvent quant à eux par exemple les cumuler sans limitation.
Réduire les fonctions spéciales de la Chambre
Si Monsieur Bracke tient réellement à faire des économies sérieuses qui n'auront aucune conséquence négative sur la décision publique, voici quelques pistes dont, curieusement, on ne parle pas.
D'abord, réduire le montant des rémunérations des fonctions spéciales (vice-président, secrétaire, chef de groupe, président de commission) à la Chambre des représentants ainsi qu'aux Parlements flamand et bruxellois.
Ce fait est peu connu mais le Parlement wallon et le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont déjà divisé par deux la rémunération des fonctions spéciales. Sans justification, la Chambre des représentants maintient de son côté des avantages élevés pour de telles fonctions.
De même, un parlementaire qui siège au Bureau du Parlement bruxellois - et qui travaille très peu pour cela - bénéficie d'une indemnité pas moins de deux fois supérieure à celle d'un élu qui occupe cette fonction au Parlement wallon. Pourquoi une telle différence?
D'autant plus que le Bureau élargi du Parlement bruxellois réussit l'exploit de rassembler pas moins de 28 personnes (dont 10 "secrétaires"!) qui sont donc toutes rémunérées deux fois plus que les 8 membres du Parlement wallon. Encore du surréalisme à la belge!
Réduire le nombre de parlementaires
Si 150 députés fédéraux semblent un nombre raisonnable, il est absurde que le Parlement flamand compte 124 députés pour six millions d'habitants, la Wallonie 75 pour quatre millions d'habitants et le Parlement bruxellois 89 (sic) pour un million d'habitants: tous rémunérés comme des députés fédéraux.
17 députés bruxellois flamands représentent environ 50.000 électeurs. Certains sont élus avec moins de 1.000 voix! Dans quel pays voit-on cela? Est-ce sérieux? Et je ne parle pas des avantages indus de la plupart des députés flamands à Bruxelles, qui avec un mandat au Bureau du Parlement bruxellois ou à celui de la VGC (Vlaamse Gemeenschapscommissie) sont beaucoup mieux payés que des députés fédéraux qui ont beaucoup plus de travail.
Bruxelles fonctionnerait mieux avec un Parlement de 50 membres (40 francophones et 10 néerlandophones pour conserver une surreprésentation de ces derniers). Voilà de vraies économies!
Bref, sa proposition relève de la démagogie et du populisme.
Elle nie les implications fâcheuses à long terme à la fois sur la représentation nationale et régionale ainsi que sur la qualité des décisions qui seront prises.
Il n'est pas certain que la N-VA souhaite que le Parlement soit en majorité composé de fonctionnaires en congé. Il n'est pas certain non plus que ce soit dans l'intérêt du pays.
Il n'est pas trop tard pour que les parlementaires se ressaisissent et ne cèdent pas au chantage de la curieuse alliance de Siegfried Bracke et du PTB.
Commentaires